J’aimerais vous parler de Viveka, issu de la spiritualité indienne, dont la traduction littérale serait "discrimination".
Oublions sa connotation négative et sociale, populaire de nos jours, et concentrons-nous sur sa définition littéraire : « action de séparer, de distinguer deux ou plusieurs êtres ou choses à partir de certains critères ou caractères distinctifs ; distinction : Opérer la discrimination entre l'indispensable et le souhaitable. » (Larousse)
C’est sur cette représentation que se base en grande partie la philosophie du yoga ; nous parlerons toutefois plus facilement du "discernement".
Le discernement devrait s’appliquer à presque tout, dans notre vie : il s'agit en tout cas d'un chemin (long et laborieux, souvent !). C’est d’autant plus vrai dans le domaine de la spiritualité. Il s’agit ici d’une qualité que l’on développera grâce à la méditation, l’intention, les postures évidemment, mais aussi pour tout le reste.
Choisir ce qui nous semble juste, s’autoriser à en changer dans le temps, choisir autrement que simplement parce que nos parents nous ont appris, nos maîtres nous ont orientés, nos professeurs nous ont enseigné… Le doute permet de s'interroger, de comprendre, et de ne pas rester ou plonger dans des processus qui ne nous conviennent pas vraiment.
"Doutez de tout et surtout de ce que je vais vous dire", disait Bouddha.
Ainsi, Viveka nous offre la possibilité de discerner la différence entre le réel et l'irréel.
Nous le faisons parfois tous les jours, sans y penser : à quel moment vaut-il mieux se taire ou s’exprimer, quelle action est plus juste qu’une autre, quel seuil de douleur atteindre avant de prendre un médicament… intuitivement, on peut parfois discerner le faux du vrai. Selon le yoga, tout est « illusion ». Cela peut s’expliquer par les biais de la perception et de l’interprétation. C’est une approche qui nous semble souvent confuse, et pourtant celle qui nous permettra de changer de perspective, de prendre de la hauteur tout en restant dans ce monde, pour apporter notre pierre à l’édifice, et le transformer peu à peu, de l’intérieur. Ce que nous voyons, qui nous semble « séparé » de nous, peut susciter des émotions. Ces émotions deviennent une référence spontanée, comme un masque qu’on appliquera à chaque évènement ressemblant. Viveka nous consent une perception différente, grâce à laquelle nous pouvons choisir où situer notre rôle, notre action.
Viveka nous invite à développer et à solliciter notre discernement naturel, à tenter de voir ce qui nous correspond aujourd’hui et que nous pouvons éventuellement mettre en application, sans aller dans l’excès, sans nous punir si ce n’est pas instantané, en acceptant les conditions de ce qui est, pour nous, ici, et maintenant... En soi, cela nous apporte déjà un immense confort et de belles satisfactions. Dans notre pratique, et notamment dans nos asanas, Viveka nous permet aussi de ne pas tricher, de ne pas se faire mal, de construire nos postures, d'installer notre souffle, en restant dans notre propre vérité, celle d'aujourd'hui, qui sera peut-être différente demain ou la semaine prochaine...